Jouer dans une série télé

10 juin 2013 by Guillaume

Après avoir dépensé des fortunes dans des photos professionnelles et pour accéder à des annonces de casting que mille comédiens avaient lues avant moi, je me suis vu offrir un rôle… par le hasard d’une rencontre. Comme quoi le début d’une immense carrière tient à peu de choses. Certes, le rôle est secondaire et il s’agit d’une série télé à côté de laquelle Salut les Musclés passe pour la Comédie-Française, mais je ne suis pas en mesure de faire le difficile. Après avoir visionné quelques minutes d’un épisode m’évoquant une version low-cost des Feux de l’amour, je commence toutefois à me dire que j’aurai peut-être intérêt à ne pas le mettre sur mon CV… Mais nous n’en sommes pas là, il y a encore beaucoup d’étapes que je suis loin d’imaginer pour arriver jusqu’au tournage.

Bien qu’on m’ait proposé le rôle, je dois passer une audition. On me donne un rendez-vous mais rien de plus, pas d’instructions ni de texte. Je passe donc dix minutes à improviser devant une caméra et j’apprends à cette occasion que c’est pareil au tournage : pas de texte, un script succinct, et des dialogues improvisés par les comédiens. Je comprends les économies d’auteurs et de répétitions, mais aussi le résultat calamiteux avec des personnages dénués de vocabulaire et qui ne terminent que rarement leurs phrases par autre chose que "quoi".
À ce stade, il faut préciser que presque aucun des interprètes de la série n’est comédien, mais beaucoup sont d’anciens candidats d’émissions télé pour public en état de mort cérébrale.

Suzanne Rogers, qui interprète depuis quarante ans le même personnage dans le feuilleton "Des jours et des vies". Mon modèle.

Suzanne Rogers, qui intégra à mon âge le casting du feuilleton "Des jours et des vies" et qui continue, quarante ans plus tard, à jouer le même personnage. Mon modèle.


J’étais à ma connaissance le seul candidat, mais j’attends longuement une réponse. Les semaines passent, le tournage approche, mais toujours rien. Puis, au bout d’un mois (pendant lequel une intense réflexion a dû être menée à mon sujet je suppose) j’ai enfin une réponse positive. La mauvaise nouvelle, c’est que les jours où je parle seront payés en comédien, mais les jours où je suis seulement seront considéré comme de la figuration. Le montant étant forfaitaire et les journées longues, c’est un peu moins bien payé que caissier chez Mac Do, mais j’accepte avec le sourire. On me communique alors les dates du tournage, qui s’étale sur six semaines, mais pas encore les jours où on aura besoin de moi. Puisqu’on me fait miroiter un salaire à deux chiffres, il semble normal que je bloque toute cette période.

Les jours passent, mais toujours aucune info. À force de harcèlement, et à dix jours du début, on m’envoie finalement par MMS la photo d’un post-it sur lequel figurent des dates. Bien qu’on me les dise "non définitives" je m’organise en fonction, déjà bien heureux qu’il y en ait sept. Normalement, tout va être simple maintenant. Mais quelques jours plus tard, à une semaine de ma première date (non confirmée), voilà qu’on m’annonce qu’il y a un souci logistique, que tout le tournage est repoussé d’une semaine, et que je dois communiquer mes indisponibilités pour établir un nouveau planning.

Ce sera ça, ou pas. On te tient au courant, ou pas.

Ce sera ça. Ou pas. On te tient au courant. Ou pas.


En attendant que le planning soit refait (et la série largement réécrite au passage) je dois rencontrer ma partenaire. Quand je cherche son nom sur Internet, Google me suggère spontanément d’y ajouter "en string", conséquence de son début de notoriété. Effectivement, à la première et unique répétition, je constate que le string doit bien lui aller, mais également qu’elle est très sympathique et loin d’être aussi mauvaise que d’autres comédien(ne)s de la série. Premier point positif. Je lui dis à bientôt sans savoir quand, mais la réponse tombe quelques jours plus tard : j’ai royalement trois jours de tournage dont l’unique en tant que comédien tombe évidemment sur un des trois seuls jours où j’avais signalé être indisponible.

Comme je suis quelqu’un de souple je m’arrange, et me rend donc aux studios dans une voiture conduite par un stagiaire. Bien que l’action se situe dans une destination exotique, le tournage a lieu dans une banlieue parisienne si lointaine qu’en réalité c’est presque la banlieue de Chartres. En découvrant la veille les scènes à tourner, je réalise que la réécriture n’a pas été favorable à mon personnage et que je me retrouve avec seulement trois répliques sur toute la durée du tournage. Malgré tout, l’équipe est ravie de ma prestation, et on envisage même de me rajouter des jours… de figuration. Peut-être étaient-ce des paroles en l’air, ou peut-être ont-ils été vexés que je leur fasse remarquer que pôle emploi me rémunérait mieux qu’eux, toujours est-il que je n’ai aucune nouvelle à ce jour.

Deux pouces, c'est vraiment pas terrible !

J’ai passé une journée sympa et j’ai bronzé en attendant ma courte apparition. La finalité ? Dans le meilleur des cas cette casserole fera un bon extrait pour les émissions auxquelles je serai invité quand je serai auréolé de succès, mais dans le cas plus probable où ma carrière s’arrête là, ça ne m’aura fait que perdre quelques poignées d’euros et pas mal de temps. Johnny Depp a commencé sa carrière dans une mauvaise série, mais Adeline, d’Hélène et les Garçons aussi, et aujourd’hui elle élève des teckels vers Chambord. Je me demande vers lequel de ces destins je me dirige…


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