Les soliloqueurs

23 avril 2012 by Guillaume

Camisole de force

Dimanche soir, alors que je rentrais nuitamment chez moi, honteusement lesté d’un gros sac KFC et la tête couverte d’une capuche (plus pour protéger ma fierté que mon brushing), j’ai été abordé par une femme à l’air avenant. Oubliant un instant que j’étais à Paris, j’ai répondu à son bonjour au lieu de lui dire non. Elle m’a alors livré son analyse politique, m’expliquant que cette année c’était un vote différent. Je ne lui ai pas demandé de développer sa pensée, trop pressé de rentrer voir France 2 poursuivre à moto le président sortant pour voir sa vitre teintée en direct. Quelques mètres plus loin, sur le trottoir d’en face, je vois une autre femme en train de discuter avec un interlocuteur imaginaire. Est-ce un hasard ? Mon quartier est-il peuplé de fous ? Est-ce l’avenir ? J’ai mené l’enquête.

Chacun a sa manière de parler seul : certains marmonnent, d’autre font les questions et les réponses, et ceux qui n’assument pas leur vice ont de longs "dialogues" argumentés, mais avec un chien. C’est le cas de ma voisine, à moins qu’elle n’engueule régulièrement un enfant muet ce qui n’est pas très fair play. Mais ce qui fait la différence entre un individu sain et un fou, c’est d’être dans l’intimité ou en public. Parler à soi-même comme se gratter le nez, c’est quelque chose qu’on fait seul, mais qu’on tait et qu’on nie. Et quand quelqu’un en arrive au point de parler seul dans la rue, c’est un peu comme si en plus de se curer le pif il s’essuyait les doigts dans les cheveux des passants.

Certains esprits contrariants me diront que la deuxième personne que j’ai croisée était peut-être au téléphone. Je leur demande de me fournir leur adresse IP afin de les exclure de ce blog, mais je vais d’abord leur expliquer pourquoi ils ont tort : elle ne pouvait pas avoir une oreillette puisque c’était une femme. Quitte à passer à tort pour un misogyne, il faut bien que quelqu’un dise la vérité : si le mâle a saisi les avantages procurés par le kit mains libres, la femme semble y avoir trouvé l’opportunité d’occuper ses deux mains ; une pour tenir le téléphone, l’autre pour tenir le micro devant la bouche. C’est un fait avéré, que je ne cherche pas à expliquer, mais qui est irréfutable. Je n’émet pas de jugement de valeur : les femmes savent donner la vie alors que les hommes savent utiliser un kit main libre (et une carte routière), c’est injuste mais c’est comme ça.

Quand on regarde le nombre de commentaires sur ce blog, on pourrait se demander si moi-même je ne parle pas tout seul et ainsi mettre en cause mon impartialité. Entre l’histoire du téléphone et ça, je vous trouve bien insolents aujourd’hui. Non, je ne parle pas tout seul, pas au sens strict du terme. J’admet en revanche avoir beaucoup discuté avec le chat qui habite chez moi, et même avoir rétorqué "c’est TOI qui es limité" à mon téléphone qui affichait "service limité". Je serais passé à tort pour un fou si on m’avait vu, mais j’étais trop content de ma répartie et j’ai bien rigolé. Mon téléphone aussi et ensuite nous avons mis le feu à une école, comme le grille-pain nous l’avait demandé.

Il n’y a pas de honte à parler tout seul en ces temps troublés où l’on est de plus en plus isolés. Le tout, c’est d’éviter de se faire gauler. Avoir une oreillette bluetooth peut faire bonne illusion si vous ne pouvez pas vous empêcher de le faire dans la rue, mais évitez d’aller vous planter devant les gens pour leur exposer votre point de vue. Donner son avis alors qu’on ne vous a rien demandé c’est mon créneau.
4 pouces dis-donc c'est vraiment bien !
Pourquoi une si bonne note ? Parce que si tous les vieux abandonnés parlaient seuls, ils n’auraient pas besoin de le faire au guichet de la Poste et tout le monde serait plus heureux.

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