Problèmes de riche : la copropriété

25 mars 2013 by Guillaume

Jean-Christian Ranu de la COGIP

Comme mon community manager me l’a souvent conseillé, je voulais coller à l’actualité pour faire du buzz, du clash, du hashtag, etc. Ayant raté le coche pour la viande de cheval, j’ai voulu me rabattre sur le conclave mais pour d’obscures raisons de règlement intérieur je n’ai pas pu y participer. Ce n’est peut-être pas plus mal comme ça, puisque j’ai remarqué à plusieurs reprises – sans pouvoir l’expliquer – que l’eau bénite me brûle la peau. Alors que je pestais contre la rapidité des cardinaux, qui mettent moins de temps à élire un pape que moi à écrire un article, Dieu m’a envoyé un signe en me faisant parvenir, par l’intermédiaire d’un facteur renfrogné, une convocation pour l’assemblée générale de copropriété. J’ai tout de suite compris que c’était une opportunité de rattraper ce rendez-vous manqué et de participer moi aussi à une interminable réunion avec de vieilles personnes à l’élocution hasardeuse. C’est donc le cœur léger que j’ai annulé mon apéro du jeudi pour me rendre dans les bureaux du syndic, intelligemment situés à l’autre bout de Paris.

La réunion est fixée à 18h, ce qui n’est pas très pratique pour ceux qui travaillent, mais la plupart des participants n’ont pas ce problème car ils sont à la retraite depuis si longtemps qu’ils auraient pu être rémouleurs, maréchaux-ferrants ou gérants de vidéo-club. Alors que les vingt-et-un copropriétaires présents prennent place dans des craquements d’os et des bruits de couches pleines, le responsable du syndic fait signer la feuille de présence. Je m’attendais à une réunion rapide sachant qu’il n’y avait rien de particulier à voter, mais c’est comme croire qu’on va en avoir pour deux minutes à la Poste sous prétexte qu’on a juste un recommandé à récupérer : je suis toujours sidéré de voir le temps que peuvent perdre les personnes âgées, alors qu’il leur en reste si peu.

Les vieux qui palabrent : un mal universel.

Les vieux qui palabrent : un mal universel qu’il faut combattre.

Si ce rassemblement solennel pouvait faire penser au conclave, la comparaison s’arrête vite parce que les bureaux de Foncia, c’est pas vraiment la Chapelle Sixtine. La petite salle sans fenêtre, éclairée au néon, fait moins penser à une église qu’à la chambre de Natascha Kampusch. Au fond de cette pièce lugubre trône Monsieur A. Monsieur A est gestionnaire de copropriété, et ça se voit sur lui. Il n’est pas très beau, il n’est pas charismatique, il n’est pas bien habillé, il est exactement la caricature de ce qu’on peut attendre d’un syndic : un monsieur qui a cinquante ans depuis ses vingt ans. Son cou, rougi par le passage trop fréquent d’un rasoir bas de gamme, est enserré par une cravate trop longue qui insulte le bon goût, le tout orné d’une veste aux motifs Prince de Galles qu’oserait à peine porter Pierre Mortez, dans Le père Noël est une ordure. Pendant les quinze minutes silencieuses où il saisit sur son ordinateur la feuille de présence, j’essaie de l’imaginer à la plage ou en boite mais je n’arrive pas à lui enlever son attaché-case et ses mocassins.

Jean-Christian Ranu de la COGIP

Jean-Chrisitan Ranu, de la COGIP : le modèle de Monsieur A

À 18h45, la réunion commence enfin, et les longues négociations, contestations, et divers votes nous font arriver à 20h30 en ayant gagné mille-cinq-cent euros. Ça pourrait me rendre heureux mais comme je n’ai que 100 dix-millièmes, je relativise pas mal cette économie. Par contre, mon estime pour les syndics reste au même niveau, juste entre les agents immobiliers et les exciseuses, malgré toute la sympathie que j’ai pour Monsieur A qui n’est jamais qu’un clone de plus au service de l’Empire galactique. Heureusement il y a eu un peu d’animation quand une vieille folle (parmi d’autres) nous a dit qu’elle poursuivait la copropriété parce qu’il y avait des tuyaux dans sa cave et qu’on venait en installer de nouveaux quand elle n’était pas là. On a bien rigolé jusqu’à ce que Monsieur A nous dise combien coûte un avocat.

Deux pouces, c'est vraiment pas terrible !
Les AG de copropriété sont la rançon de la démocratie. Elles sont aussi là pour nous rappeler que nous partageons malgré nous quelque-chose avec des gens que nous n’aimons pas, à l’instar de beaucoup de pères de famille. Si j’étais du genre à renoncer, j’achèterai un mas à la campagne, mais j’ai de plus hautes ambitions et si Depardieu veut bien baisser un peu le prix de son hôtel particulier, ce serait une excellente occasion de fuir mes tarés de voisins.


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