Parce qu’écrire des articles qui élèvent les consciences n’est pas le seul moyen de s’exprimer, et parce que je souhaite provoquer la répulsion et le dégoût par mon corps autant que par mes mots, j’ai consacré mon dimanche à une initiation aux claquettes, un art trop souvent déconsidéré. Pourtant, si on veut se défouler en faisant du bruit, une paire de claquettes coûte largement moins cher qu’une batterie et se prend plus facilement en main. De toute façon on peut commencer avec des chaussures de ville, comme le conseillent le prof et mes voisins du dessous.
Si les claquettes évoquent le Broadway des années 30, le quartier du 18ème arrondissement où a lieu le cours évoque plutôt le Harlem des années 60. Un dealer de crack m’indique le centre musical Barbara et je rejoins les autres artistes du dimanche qui attendent avec enthousiasme de danser sur les pas de Fred Astaire. Car j’ai bon espoir d’entamer une carrière de claquettiste à l’issue de ces trois heures d’initiation. Malheureusement on est loin du cours particulier, et chacun des trente néophytes présents doit maudire les autres qui ne sont là qu’à cause de The Artist alors que lui a un véritable intérêt spontané pour les claquettes. Certains se sont même procurés les chaussures ferrées, alors que c’est loin d’être indispensable pour débuter, surtout quand on n’est pas capable de rester en rythme.
Contrairement à un cours de danse où il n’y a que des anorexiques et des gays, un cours de théâtre où il n’y a que des vieilles filles et des gays, ou un cours de Bodyattack™ où il n’y a que des gays, le cours de claquette est très éclectique : il y a des gens de tous âges, de tous sexes et vraiment de toutes masses corporelles. On apprend les quelques pas de base, quand soudain un retardataire arrive, tout droit sorti de l’imagination d’un humoriste sous cocaïne : c’est un quadragénaire, visiblement maghrébin (musulman d’apparence dirait Sarkozy) mais sa chemise de flamenco complètement ouverte sur un torse gras et velu évoque une sorte d’Argentino-portugais. Je ne peux pas m’empêcher de penser au personnage de Gad Elmaleh dans Chouchou, ce qui me rappelle cruellement que je suis allé voir Chouchou il y a maintenant près de dix ans. Un dessin valant mieux qu’on long discours, j’ai reconstitué la bête grâce à mes deux ans d’option arts plastiques au collège.
Les claquettes, je trouve ça vachement bien et si j’avais rien d’autre à foutre je m’y mettrais. Mais est-il est vraiment raisonnable de se retrouver à trente pour les apprendre, dont un Éric Morena sous UV ? Et ai-je envie de changer mon parquet tous les trois mois ? Je pense que la réponse va de soi, et que je vais continuer à faire la même chorégraphie tout seul chez moi en chaussettes pour le restant de mes jours.
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