Hier soir, j'ai pris l'apéro avec un de mes colocataires. Il m'a servi des cubes de fromage dur et tout sec, un peu dégueu, mais qui faisaient passer le goût du Chardonnay californien à 2$, une immonde vinasse qui pique et que je n'utiliserai même pas en cuisine. Mais comme on dit c'est l'intention qui compte et elle était louable.

Il m'a parlé de Los Angeles qu'il déteste et de Paris qu'il adore - ce qui m'a bien aidé à avoir le moral et de la motivation - et m'a proposé de venir à la soirée Japanese food qu'il faisait le lendemain (c'est à dire aujourd'hui, suivez !). Tout heureux d'avoir l'opportunité d'entrer en communication avec d'autres êtres vivants et de manger japonais j'ai dit "banco".

Il m'avait pas précisé, ou alors j'avais pas compris, ou alors j'avais trop absorbé de sulfates dans le pinard, en tout cas ce n'est qu'en le voyant arriver avec des sacs de courses et deux autres Japonais que j'ai compris que la soirée se passait chez nous. Après m'avoir présenté ses amis dont j'ai oublié le prénom avant même de lâcher la main, il m'a envoyé chercher du vin avec l'un d'eux au Little Tokio Market Place, où on peut trouver plein de produits très intéressants pour peu qu'on soit capable de lire les étiquettes. J'ai donc acheté un Sauvignon à 6$ histoire de pas m'empoisonner comme la veille et on est rentrés pour préparer le repas.

Y'a des soirées comme ça, où tu luttes pour essayer de te donner une contenance. Aller fumer sur la terrasse est pas mal mais je fume pas et j'ai pas de terrasse. Me réfugier dans ma chambre était tentant mais aurait fait un peu associable. J'ai donc essayé d'avoir l'air à l'aise et détendu, pendant que les trois autres préparaient à manger en parlant japonais entre eux. C'est tout un art : prendre sa bière, lire l'étiquette comme s'il y avait une information passionnante, se lever comme si on allait chercher un truc, se rasseoir, poser sa bière, la reprendre tout de suite, regarder les produits étranges, s'asseoir ailleurs. Puis tu te rends compte que personne ne fait attention à toi et que tu peux suivre ton premier instinct en restant affalé sur le canapé, le regard dans le vide.

Un peu plus tard, d'autres gens sont arrivés et certains ont eu la délicatesse de me parler, en anglais donc. L'inconvénient quand tu racontes ta super vie, c'est que ton interlocuteur croit pertinent de parler de sa minable existence alors que tu lui as rien demandé. Mais c'est mieux que l'impression d'être invisible.

Japanese foodAprès l'apéro, où une sale tordue a mélangé mon vin blanc avec du Fanta, on est enfin passés à l'essentiel : la bouffe. Mon coloc faisait des espèces de tortillas avec des trucs bizarres dedans (des tentacules entre autres) et ça avait l'air bon. Mais visiblement c'était pas terminé puisque ses amis recouvraient ça d'une sauce rougeâtre, puis de mayo, puis d'un truc qui ressemble à de la peau de grand brûlé, puis de gazon. En fait, les copeaux roses sont paraît-il des morceaux de bestiole aquatique, mais je maintiens que ça ressemble plutôt à des lambeaux de peau après un coup de soleil.

La soirée a été longue. Très longue. Les conversations d'étudiants en architecture à 10k$ le semestre ne sont déjà pas intéressantes, comme toutes les conversations d'étudiants ou de collègues de travail. Mais en plus quand c'est en japonais, fatalement y'a un moment où ton attention décroche. Alors vers 1h30, je me suis décidé à aller dormir, juste derrière le bout de carton qui me sert de porte. J'attends avec impatience que mon coloc vienne à Paris pour l'inviter à une soirée cassoulet/techniciens vidéo. C'est l'intention qui compte, et je jure qu'elle est bonne !