Il y a des gens qui ont le sens des réalités, et d’autres qui pour d’obscures raisons décident d’être profs. La plupart des métiers impliquent de passer du temps avec des collègues de travail, d’avoir du contact humain, et pourtant certains choisissent consciemment de gagner leur vie en étant seul dans une pièce avec une trentaine de gosses turbulents, ignares et pleins de poux. Et si eux se voilent encore la face, nous savons tous que le gros de leur travail ne consiste plus aujourd’hui à leur inculquer des connaissances mais à assurer leur intégrité physique jusqu’à la sonnerie libératrice. On ne peut ressentir que sympathie et compassion pour ces pauvres bougres. Sauf pour les profs de sport.
Les profs d’EPS sont une espèce différente des vrais profs. On peut comprendre que ces derniers aient été aveuglés par l’idée séduisante (mais ô combien fausse) qu’ils allaient enseigner quelque chose à des enfants en soif de connaissances. Mais prof de sport ? Quelle erreur de jugement peut amener quelqu’un à vouloir faire courir des enfants en rond ou à organiser des matchs de foot avec des filles ? Le prof de sport, en plus d’être nécessairement une personne aigrie par son échec professionnel – je refuse de croire qu’enseigner le handball à des collégiens soit un rêve de gosse – est le seul enseignant qui exige de ses élèves quelque chose que lui-même ne sait pas faire, et ça le mine.
Mais le pire, c’est qu’ils croient qu’on les aime quand même ! Si les profs de math – ou pire, d’allemand – ne s’étonnent pas que leur matière puisse être rébarbative, les profs de sport tombent des nues quand ils réalisent que tous les garçons ne rêvent pas d’une carrière de footballer, que le Fosbury ne déclenche pas l’enthousiasme général et que les filles n’aiment pas les mains au cul. J’ai dans ma jeunesse tenté d’échanger à ce sujet avec des profs d’EPS, mais la faiblesse de leurs argumentation m’a vite convaincu qu’ils n’étaient pas à la hauteur pour débattre face à un enfant de 14 ans.
J’ai alors tenté de résister pacifiquement en oubliant ma tenue, en simulant des douleurs ou en me tenant immobile au milieu du terrain de basket, ce qui contribua par ailleurs à ma popularité légendaire au lycée. Si on vénère aujourd’hui Gandhi pour son action non-violente, la mienne ne m’a rapporté que des heures de colle. La postérité tranchera. C’est au cours d’une de ces retenues que j’ai eu pour consigne de rédiger une rédaction sur l’utilité de l’EPS au lycée. Le résultat, truffé de points Godwin, a rencontré un vif succès lors de sa lecture devant le conseil de classe, sans que des droits d’auteur ne me soient reversés.
Malgré tout, le sport fait partie des matières obligatoires au bac, et à mon époque il comptait même deux fois plus qu’une seconde langue. Parce que c’est bien connu : parler une langue étrangère c’est quand même moins utile que de lancer un javelot. Pourquoi tant d’importance donnée au sport alors que la musique ou les arts plastiques disparaissent de l’enseignement général dès la seconde ? Je ne veux pas paraître parano, mais ça ne m’étonnerait pas que les profs d’EPS soient des Illuminati reptiliens francs-maçons. En tout cas ils sont près de 30 000 et leurs compétences seraient sûrement mieux mises en valeur dans le nettoyage des surfaces ou pour mettre des PV de stationnement par exemple.
Un sur cinq car les profs de sport ne méritent pas notre pitié. Ils ont raté leur carrière d’athlète, et alors ? C’est le travail de Pôle Emploi, pas de l’Éducation Nationale, de leur fournir de quoi subsister. Étant notoirement ouvert d’esprit, je ne suis pas contre que l’école propose des activités sportives, comme elle propose par exemple des clubs d’échec ou de théâtre, mais les considérer comme un enseignement nécessaire à des enfants qui ne savent que vaguement écrire à la sortie du lycée contribue au naufrage de notre Nation tant sur le plan éducatif que financier. Vive la République, vive la France, et à bas les profs de sport !
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