Souvent, les médias ou le CSA se demandent naïvement pourquoi les chaînes diffusent en boucle des séries américaines au lieu de faire une place à la création française. Force est de constater que les séries françaises qui ont du succès durent rarement plus de trois minutes : Un gars une fille, Kaamelott, Bref… En fait, je n’avais pas regardé de série française depuis Off Prime en 2008. Et puis hier soir, parce qu’un pote a obtenu un bout de rôle dans R.I.S Police Scientifique, je me suis senti obligé de regarder cette série policière que je croyais américaine alors qu’en fait elle est juste méga pompée sur Les Experts. J’ai donc pu me faire un avis assez précis des talents d’auteurs et de comédiens dont nous disposons dans notre beau pays.
Première question, R.I.S ça veut dire quoi ? À l’origine c’est Reparto Investigazioni Scientifiche mais ça a été vaguement traduit en français quitte à ce que ne corresponde à rien d’existant. Va comprendre pourquoi, quand on fait une série sur un thème aussi bateau que la police scientifique, on est obligé d’aller acheter le concept à des ritals, chez qui les flics sont sûrement plus occupés à compter leurs pots de vin qu’a analyser les traînées de gomina que laissent les criminels. Du coup la série se passe en France, mais une France un peu étrangère. Une France où les bureaux de la police sont vastes et lumineux, où les services ont un logo comme celui de Taratata au lieu de Sophie Marceau avec un bonnet de Schtroumpf qui regarde un ventilateur (voir l’image pour comprendre). Un logo dont ils sont tellement fiers qu’ils le foutent un peu partout sur des écrans plats disséminés dans leurs bureaux. Dans la vraie vie ce serait de l’argent public foutu en l’air, mais dans R.I.S c’est une belle économie sur le budget décors.
Dans R.I.S, les écrans ne servent pas qu’à décorer les bureaux, ils servent aussi à expliquer des trucs aux collègues. Parce qu’il faut pas déconner, on est à la police scientifique alors quand on veut montrer un truc on prend pas un bloc-notes : on a les écrans de Minority Report mais qui font du bruit en plus, parce que c’est bien connu, un écran qui affiche une photo ça fait bip, c’est comme ça. Mais c’est quand même de la bête de PC, genre hardcore gamer : tu mets la tête de Clémentine Célarié dedans, tu lui demandes ce que ça aurait été sans opération chirurgicale, et puis bip bip bip, ça te sort le visage d’une autre comédienne. Véridique ! Et dire que nous quand on va voir les flics ils sont pas foutus de repasser en minuscules quand ils ont appuyé sur la touche rigolote avec un verrou.
Par contre ils ont foutu trop de pognon dans l’informatique et il a bien fallu rogner sur d’autres postes. L’isolation phonique, notamment, c’est pas trop ça : à cause de la RGPP ils doivent partager l’étage avec des musiciens sans doute, ce qui fait que 24h/24 ils ont des bruits d’instruments qui s’accordent. À force ils sont habitués, ils font semblant de rien, mais nous on entend bien que sur cinquante minutes d’épisode il y a cinquante minutes d’illustration sonore qui s’achète au kilomètre libre de droits. Pas très pratique pour se concentrer sur sa mission de service public. Et encore, c’est sans parler de l’éclairage ! Vous croyez que c’est facile de bosser quand on vous fout des lampes basse consommation et qu’il faut travailler dans une obscurité inquiétante ? Mais ça pose une ambiance, et c’est plus vite fait que d’écrire des dialogues.
Évidemment, je tire un peu sur la corde, bien sûr c’est une fiction, d’ailleurs dans la réalité les flics ne tirent jamais dans le dos sans sommation comme je l’ai vu dans cet épisode, jamais ! Mais tout le reste est d’un réalisme criant : ce jeu d’acteur, ces dialogues finement ciselés où on peut entendre un personnage asséner « Si Charles est bien son fils, elle n’est plus sa mère » suivi d’un zoom sur un regard perdu, le tout appuyé par des cors de chasse ou un truc qui ressemble, je suis pas chef d’orchestre et je vous emmerde. Non, vraiment, magistral tant au point de vue de l’écriture que de la réalisation. Ça a la fraîcheur d’un épisode de CSI (Les Experts) d’il y a dix ans.
Niveau cinéma je trouve qu’on s’en tire plutôt bien même si on a Fabien Ontoniente, et en musique on n’a pas à rougir malgré notre Goldman national. Mais en séries, si le mieux qu’on puisse faire est R.I.S on ne pourra plus se moquer des Boches et de leur inspecteur Derrick. Il était peut-être chiant, mais lui au moins il était original. Alors plutôt que de regarder ces pâles copies de séries américaines médiocres, autant taper directement dans les originaux : c’est comme les paroles des Beatles, ça passe toujours mieux en anglais qu’en français !
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