Si j’avais vécu au 19ème siècle, j’aurais eu un grand appartement, et les pièces autour auraient été mon boudoir ou mon vestibule, et pas les chambres d’une famille de Chinois comme c’est le cas actuellement. Mes voisins du dessus auraient été mes domestiques, et auraient donc été plus déférents que le Rital qui joue de la guitare avec ses potes la nuit. Hélas je vis au 21ème siècle et je dois composer avec les normes de constructions des années 50. 1950 je précise, car pour avoir vu des appartements au sol concave je sais que les immeubles de 1850 ont d’autres problèmes que l’isolation phonique. Bref, je pense avoir eu un bon aperçu des voisins haïssables, sachant qu’ils le sont par nature comme les belles-mères, les patrons, et les profs d’EPS. Mais avant d’écouter les prouesses vocales de ma voisine coréenne, faisons un bilan de dix ans à Paris en quatre appartements.
Avec un budget restreint de 398€/mois, j’ai pu m’installer dans une « studette » dont la surface était comparable à celle d’un camping-car, et le confort également. La robustesse de la construction Haussmannienne me permettait de ne pas trop partager l’intimité de mes voisins, les contreparties étant six étages à monter à pieds et une température frôlant les 45°C sous la toiture en zinc. Quand je mentionne l’intimité, je mets de côté les toilettes sur le pallier, partagées avec une vieille voisine, et éclairées par la minuterie de l’escalier. Je passais de longues minutes à regarder par le judas pour être sûr de ne pas me retrouver devant une porte fermée avec mon rouleau de papier toilette, exposé au regard condescendant des voisins munis de WC. Certains n’auraient pas pu supporter de s’asseoir sur la même cuvette qu’une inconnue mais pas de soucis : il s’agissait de ce type de WC où il n’y en a pas…
Après onze mois de cette vie monacale (les petits garçons en moins) j’ai déménagé et enfin pu accéder au luxe d’une salle de bain. Elle faisait 2m² mon coude tapait contre la cabine de douche en plastique quand je me brossais les dents, mais j’avais un lit deux places et de la moquette au lieu du linoléum. C’est au niveau du voisinage que ça a commencé à se gâter ; de l’autre côté de la cour intérieure, une vieille. Mais pas une petite vieille gentille, genre mamie gâteau, non : une vieille méchante, qui n’a comme loisirs que TF1 (allumé toute la journée) et surveiller ce qui se passe dans la cour. Je la soupçonne d’être à l’origine des nombreux rappels à l’ordre que j’ai reçu de la part du syndic concernant le linge à la fenêtre, et que j’ai toujours traité avec le plus grand mépris.
À côté, une gentille petite vieille, dont je n’avais pas peur de croiser le regard lourd de reproches les lendemains de fêtes puisqu’elle était aveugle. De l’autre côté, en revanche, la cloison isolait aussi bien qu’un paravent et je soupçonne que ma tapisserie était collée contre celle de mon voisin, sans mur entre les deux. Après le départ du couple dont j’avais naturellement pu suivre les ébats, un jeune étudiant est venu s’installer. À son arrivée il est même venu se présenter et quand il m’a dit qu’il était en STAPS je n’ai pu réprimer une grimace et un Aïe… un sportif… qui a jeté la base de notre future relation. J’avais cependant raison, puisque ce joyeux luron de vingt ans tambourinait au mur lorsque je passais des coups de fil à 22h. Je n’ai jamais su s’il était gêné par le volume ou par le contenu de mes conversations qu’il pouvait, j’en suis certain, suivre sans problème. Après un an de beuveries bruyantes, de mots incendiaires sous la porte et de visites nocturnes, il est parti sans même me dire au revoir.
Grâce aux prêts à 0% payés par vos impôts, j’ai pu acheter un studio aux murs épais et aux voisins absents. Certes, de président du conseil syndical je me suis retrouvé sans comprendre comment gardienne bénévole, et les assemblées de copropriétés pourront donner lieu à un futur article dans la catégorie rancune, mais je manque d’anecdotes, alors (re)lisez plutôt ma brève expérience de colocation à Los Angeles, ça vaut tous les pires voisins du monde.
Ce qui nous amène à aujourd’hui, où l’ascension sociale et la vie de couple (on n’a rien sans rien) me permettent de vivre dans un appartement de taille décente. Mais comme je l’exposais en préambule, j’ai parfois l’impression que mes voisins sont assis sur mon canapé quand ils osent hausser la voix malgré leur probable absence de carte de séjour. On reproche aux jeunes de faire beaucoup de bruit tard ; les familles en font certes moins, mais toute la putain de journée comme l’ado Cambodgienne à qui ses parents n’osent pas dire qu’elle est dépourvue de talent. Je vous laisse juger grâce à ce medley de ses capacités vocales et de ses goûts musicaux.
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Les voisins sont « le mal du siècle », comme on dit à propos d’un peu tout, mais c’est un mal aussi inévitable que la vieillesse, la famille ou la blennorragie. Il faut donc apprendre à vivre avec. J’accorde tout de même un pouce de pitié aux voisins
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