Je sais pas vous mais depuis quelques années, je trouve que le train est trop cher. En fait, je suis de cet avis depuis que je me suis retrouvé arbitrairement exclu de la carte 12-25 ans, ironiquement devenue 18-27 quand j’en ai eu 28. En plus d’être élevé, le prix peut varier du simple au quadruple selon la capacité à anticiper que l’on a. Pour le trajet Nîmes-Paris que j’ai l’habitude de faire, il était cependant impossible de descendre en dessous de 30€, et encore il fallait réserver trois mois à l’avance un train partant à 6h ou 22h en semaine hors vacances scolaires. Puis le 2 avril 2013, Ouigo est arrivé, et j’ai voyagé sur cette ligne pour 15€ contre 80€ à l’aller. Mais comment ça marche?
Comme le low-cost aérien, la SNCF a optimisé l’espace pour entasser plus de monde dans les trains : pas de voiture bar ni de 1ère classe, et moins d’espace pour les bagages. Le fait qu’une personne de plus d’1m60 puisse s’asseoir sans avoir les genoux encastrés dans le siège de devant est cependant un énorme bon point par rapport aux bétaillères volantes de Ryanair. Même idée pour les gares : au lieu d’utiliser les principales on arrive chez Mickey ce qui rendra heureux les banlieusards de l’est mais rajoutera une heure de transport aux autres. Dans le RER il n’y a pas de voiture-bar ni de première classe, et pourtant c’est toujours 7,30€ pour faire les 35 derniers kilomètres après avoir payé 15€ pour les 700 premiers. Jusque là, on voit bien les économies que ça peut engendrer même s’il est difficile de comprendre que ça puisse diviser le prix par quatre.
Pour que le client ait l’impression de vraiment faire une affaire il faut aussi lui montrer à quel point le service qu’on lui rend est cheap. C’est du moins la stratégie de la SNCF qui a remplacé les élégants uniformes Christian Lacroix par de vilaines parkas bleues cyan. Même les képis sont devenus des casquettes, ce qui représente une économie difficile à évaluer pour mon esprit cartésien. Le personnel aussi semble avoir été démoulé trop chaud, comme en témoignent l’inutile et hésitante énumération des prénoms du personnel de bord dans les hauts-parleurs, ainsi que ce contrôleur désœuvré (le contrôle se fait à la montée) qui passe nous demander si tout va bien.
Autre rognage qui relève plus de la punition que de l’économie : la disparition des accoudoirs. Cette haute technologie a visiblement un coût important puisque Ouigo a jugé opportun de les supprimer. Selon les sources une rame TGV duplex coûte entre 20 et 30 millions d’euros mais il n’est nulle part mentionné la part que représentent les accoudoirs dans ce prix. Parce que bien sûr, les rames Ouigo ont été créées spécifiquement : les poubelles individuelles ont été remplacées par une seule au bout de chaque rame pour faciliter l’entretien, et les accoudoirs ont été retirés parce que les pauvres ne sont pas dérangés par la promiscuité. Le pire étant que certaines voitures comportent une rangée de veinards sans voisins et une autre rangée de trois sièges, sans accoudoirs donc. Avec un peu de chance, vous pouvez voyager avec un mec qui pue à droite, une vieille qui crie au téléphone à gauche, un enfant qui donne des coups de pieds en face, et deux connards dans les coins pour parfaire le tableau.
Bien sûr, tous les billets ne sont pas à 15€ (les prochains disponibles sur ce trajet sont dans deux mois) et ils peuvent monter jusqu’à 85€ les mauvais jours. Yeld management à fond donc, comme les compagnies aériennes low-cost. Mais soyons justes : Marne-la-Vallée ou Lyon-Saint-Exupéry c’est quand même moins contraignant que l’aéroport de Beauvais et ses 80 km d’autoroute que Ryanair persiste à appeler "Paris Beauvais" alors qu’il est techniquement plus près d’Amiens.
Quels que soient les inconvénients que cela représente, presque tout le monde est intéressé par une réduction de 80% sur un truc aussi cher que le TGV, même si ça rallonge le trajet d’une heure. Par contre ça risque de faire un effet Free et les clients pourraient être énervés de voir qu’ils paient quatre fois trop cher depuis des années. Tout ça juste pour des accoudoirs et des képis !
En tout cas bravo à la SNCF, à qui on reproche souvent l’opacité de ses tarifs, pour avoir créé une nouvelle gamme après Loisirs, Pro, iDTGV, Prem’s, cartes jeune, sénior, enfant, week-end, enfant famille, famille nombreuse…
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