Imaginons, un mardi matin à la machine à café du boulot (parce que dans ce scénario tu as un boulot) tous tes collègues parlent de Top Chef sur M6 et toi tu te sens exclu parce que tu n’as pas d’enfants donc tu n’es pas coincé chez toi à regarder la télé tous les soirs. En vrai tu es resté chez toi à remplir des enquêtes d’opinion devant une pizza surgelée, mais ça hors de question de l’admettre. Heureusement, Ce que j’en pense est là pour te faire un résumé et que tu paraisse normal devant ces abrutis dont tu voles régulièrement les tickets resto.
La semaine dernière, les candidats ont cuisiné le repas de mariage de Jean et Stéphanie, ce qui a donné lieu à des dialogues de haut vol. On a pu entendre au moins douze fois que c’était "le plus beau jour de leur vie", poncif qu’ils ont magnifiquement illustré en se cognant les dents au lieu de s’embrasser tellement leurs sourires étaient figés. Jean avait voulu offrir une merveilleuse surprise à Stéphanie et au lieu de faire des heures sup’ ou des études de trader, il s’est dit qu’il allait quémander auprès de M6 pour qu’ils filent un château et de la bouffe à l’œil.
"Tu sais pourquoi j’ai fait ça ? Parce que tu es la femme de ma vie." a déclaré Jean à son épouse qui lui a répondu "Hinhinhin" comme à chaque fois qu’elle a ouvert la bouche. Ah non, je suis injuste, elle a tout de même fait cette déclaration que le monteur a décidé de conserver pour montrer qu’elle avait un minimum de vocabulaire : "C’est une surprise… (10 secondes de réflexion) énorme ! Juste énorme". Merci Stéphanie.
Pour ceux qui n’ont pas envie qu’un stagiaire de M6 demande à leurs invités de bitcher sur leur repas de mariage, je vous renvoie vers cette publicité trouvée récemment dans ma boite aux lettres :
Qui ne rêve pas d’un clown psychopathe dans un carton pour "le plus beau jour de sa vie"?
Cette fois, la chaîne a encore décidé de se foutre de la gueules des candidats en les emmenant en Belgique pour leur faire préparer des chicons gratin. Pour ceux qui ne pratiquent pas le dialecte local, ce sont des endives au jambon. Des putains d’endives au jambon. Évidemment Bruxelles leur fournit une place publique et l’unique jour sans pluie de l’année, donc il faut vendre la gastronomie locale quelle qu’elle soit. Le tout sous les yeux du grand chef belge Sang-Hoon Degeimbre, qui d’après les candidats est un monument en Belgique. D’un autre côté le Manneken-Pis aussi est un monument en Belgique donc remettons les choses à leur place.
En deuxième épreuve il faut créer une "peinture culinaire" avec des condiments, et pour rendre les candidats plus créatifs on leur distribue du LSD ce qui donne à l’un d’eux l’idée extraordinaire de casser son assiette. Quoi de plus ludique de manger sur de la céramique brisée ? Un peu de verre pilé pour relever le goût ?
1. Plat gastronomique de Top Chef ?
2. Mon petit dernier a dessiné sa mère ?
3. Mon aînée a ses premières règles ?
Pour vendre encore plus de rêve, le plat suivant est jugé par Lio, qui était justement disponible ce jour-là (et tous les autres jours d’ailleurs) et le premier ministre belge. Tu t’imagines Jean-Marc Ayrault dans Top Chef ? En fait, tu te l’imagines à la télé ? La quatrième épreuve – parce que c’est un peu comme les JO cette émission, ça ne finit jamais – consiste à faire un plat à base d’un ingrédient mystère. Les candidats savent que les Français y consacrent 110€ chaque année, ce qui les conduit tout naturellement à penser pomme de terre puisque le LSD de la deuxième épreuve n’est pas tout à fait dissipé. Si j’avais conçu l’émission je les aurais ensevelis sous 110€ de patates pour leur donner une idée mais non, rien, même pas un coup de mandoline sur la tronche.
L’ingrédient est le chocolat, et ils commencent à peine à le cuisiner à l’heure où je réalise que The Mask sur TMC est déjà terminé. Je presse par erreur le 9 au lieu du 6 de la télécommande et je tombe sur Les 11 commandements avec Michaël Youn. Par mesure de sécurité je décide donc de ne plus changer de chaîne et de me taper intégralement les trois heures de l’émission.
Qu’est-ce que c’est que cette matière, c’est de la merde ?
Non, c’est le dessert de Pierre et Alexis.
Une des équipes ayant rendu un petit pot pour bébé (mais plutôt la version qu’on trouve sur l’épaules d’une jeune mère) les autres sont propulsés vers l’épreuve finale où ils doivent réinventer les plats traditionnels belges dans une nacelle à 50 mètres. La phrase "j’aime les moules chaudes et moelleuses" pourrait laisser croire qu’on est passés sur NRJ12 mais non. Personnellement, je n’aurais pas choisi Steven qui a moins salé ses plats avec sa salière qu’avec sa transpiration et ses larmes de pleurnicheuse, mais visiblement chialer devant un jury c’est plus vendeur, t’as qu’à demander à tes copines qui ont passé l’oral de rattrapage du bac. Il gagne donc l’immunité pour deux semaines, ce qui veut dire qu’il jouera pour rien et pourra se permettre de cracher dans les plats comme on le fait dans les vrais restaurants.
Des épreuves qui s’empilent, de la bouffe à en vomir, des accents comme dans un Pagnol, et surtout cette tenace sensation d’avoir maté le Téléthon en entier, voilà ce qui reste d’une soirée Top Chef. Le gagnant et les autres seront contents, ils ouvriront des restos chers où ils viendront concevoir des plats trois semaines avant de confier la besogne à des Pakistanais payés au SMIC. Au SMIC pakistanais en plus. Mais nous on aura passé autant de temps que devant un Seigneur des Anneaux à se gaver de pub et de placement produit. Lundi prochain vous vous démerdez, moi je vais au ciné.
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