Parmi les nombreux mails de fans ce jour-là, une invitation étrange. Une boite de prod m’écrit sur mon adresse pro, celle que j’utilise pour les castings auxquels on ne me convoque jamais, pour me proposer l’avant-première d’un film. Je ne connais pas cette boite et je n’ai aucune idée de comment ils ont obtenu mon adresse mail, mais n’ayant pas écrit d’article depuis un mois, j’y vois une bonne occasion de rappeler au monde que ce blog existe encore.
L’invitation comporte tout de même deux infos qui pourraient en refroidir certains. D’abord c’est un dimanche à 10h30, heure à laquelle je me fais habituellement réveiller par les doux rayons du soleil ou par quelqu’un qui me demande ce que je fous dans son lit. Les malins promettent bien évidemment un petit dèj’ avant la projection pour convaincre les récalcitrants.
L’autre détail qui peut interpeller, c’est que le film est celui des Chevaliers du Fiel. Je n’ai rien contre eux, mais j’avoue que la seule chose que je connaisse, c’est La Simca 1000. J’avais aimé la chanson, mais avec le recul je me demande si c’est parce qu’elle était vraiment drôle ou parce que j’avais 13 ans. Chacun se fera son opinion.
Me voilà donc un dimanche à 9h50 devant les portes fermées du Gaumont des Champs-Élysées. À 10h, me voilà juste en face, devant l’autre Gaumont des Champs-Élysées. Comme je suis sur la liste des invités, on me fait passer devant les gagnants d’un concours qui n’auront pas la bouffe gratuite. Je ne m’étais plus senti aussi important depuis la fois où mon proctologue s’était écrié « je n’ai jamais vu ça! ».
Le buffet promis est bien là et je me bourre de triglycérides et de sucres rapides parce que c’est gratos. En errant parmi les VIP, je croise même un mec qui ressemble à celui sur l’affiche mais en beaucoup plus vieux. C’est lui, mais pas maquillé. On rentre finalement dans la salle et le distributeur fait un petit speech que rétrospectivement je trouve plus drôle que tout ce qui a suivi, mais ne brûlons pas les étapes.
L’action de Repas de famille se déroule dans le Sud, donc cigales, pastis et accents forcés qui feraient passer Pagnol pour un Ch’ti. C’est assez désagréable à l’oreille, ce qui est aggravé par le fait que les personnages parlent sans arrêt, souvent en même temps, dans ce qui ressemble à une impro ratée que personne n’oserait interrompre. Il ne doit pas y avoir plus de cinq secondes sans parole. Sans mentionner les tout à fait évitables scènes d’ébriété et de drogue, qu’on ne devrait traiter pour la millième fois en comédie que si on peut le faire mieux ou au moins différemment.
Dans ce vacarme, une réunion de famille vire au pugilat. Si avec ce pitch Jaoui et Bacri ont fait un chef-d’oeuvre, les Chevaliers du Fiel livrent une comédie poussive et ringarde, où les personnages changent d’humeur sans aucune cohérence et qui se conclut sur une happy end hautement improbable. La femme de Bernard lui pardonne son infidélité parce qu’elle comprend qu’il ne tringle tout le canton que pour jouer et que c’est elle qu’il aime, et Huguette cesse d’être une mégère aigrie et dépressive quand son mari Bruno se décide enfin à la remettre à sa place de bonne femme soumise.
Malgré ses modestes 90 minutes, Repas de famille peut vous faire perdre trois mois d’espérance de vie. L’humour est daté, mais pas autant que le message sous-jacent qui ravira les zemmouriens sur la place des femmes : fille, salope ou bonne épouse. Les petits rôles, plutôt bien interprétés par les humoristes d’ONDAR, n’arrivent pas à éviter le naufrage de ce premier film des Chevaliers du Fiel qui évoque plutôt un troisième film des Bronzés.
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