Les touristes

16 août 2014 by Guillaume

En France, on a toujours des touristes près de chez soi à un moment ou un autre de l’année. Même à Limoges ou à Amiens il y en a, qui se sont trompés de sortie sur l’autoroute. On pourrait s’habituer, et se flatter de leur présence, mais on a toujours quelque chose à leur mettre sur le dos : l’augmentation des prix, les embouteillages, la mort de Jésus, etc.
Pour ceux qui ont la chance de partir en vacances, les touristes sont une nuisance encore pire, qui les empêche d’apprécier pleinement leur expérience. Mais pourquoi ces gens sont-ils aussi détestables ? Pourquoi ne restent-ils pas dans leurs pays en laissant aux gens bien (nous, donc) le privilège de découvrir le monde avant qu’il ne soit détruit par le CO2 des avions qui nous permettent de découvrir le monde ?

Commençons par une révélation choquante : vous êtes un touriste. Oui, toi qui te croit voyageur, routard, explorateur, vacancier, tu n’es qu’un touriste pour moi. Tu me gâches le paysage, tout comme je gâche le tiens. Être un touriste c’est comme frauder les impôts : on le fait à son niveau sans se l’avouer, mais on est scandalisé que d’autres osent le faire. Le touriste est donc détesté simplement parce qu’il existe, mais il est aussi détesté pour son attitude. Car heureusement tous les touristes ne sont pas égaux, ce qui nous permet de mépriser avec aplomb les autres touristes.

Le propre du Touriste – avec un grand T – est de se comporter en vacances comme il n’oserait pas le faire chez lui, par exemple en mettant des chaussettes sous ses sandales (vieil Allemand) ou en étant torse-nu en centre ville (jeune Américain). Facile à reconnaître, c’est celui qui porte un faux vêtement traditionnel du pays qu’il visite mais ne mange que dans les chaînes de restauration qu’il connait. Son passe-temps favori est de tout comparer avec son pays, qui est quand même mieux que celui où il a pourtant décidé de claquer ses économies d’une année.

Un homme dans le RER B en train de filmer le plan de ligne.

"Chérie, regarde, un plan de RER ! Les enfants vont être ravis de voir ça en Betamax !"

Le Touriste aime la photo. Il a un reflex à 1000 € autour du cou, et si possible chaque membre de la famille a le sien. Ils sont incapables de faire un cadre correct, ne savent pas ce qu’est le point et mettent le flash à travers des vitres de bus, mais ils croient que leur gros objectif va les transformer en Robert Doisneau. Leur confier ces appareils revient à faire conduire une Aston Martin par un enfant alcoolique amputé des deux jambes. De toute façon ils rentreront avec tant de photos qu’ils n’auront jamais le courage de les trier, et elles iront moisir sur leur disque dur jusqu’à la prochaine surtension salvatrice.

Mais que prend le touriste en photo ? Les plus âgés prennent les lieux qu’ils visitent. Bien sûr ils ignorent qu’en allant sur Google images ils trouveraient des milliers de photos bien meilleures, mais ils préfèrent y mettre leur patte – j’entends par là leurs doigts sur l’objectif. Les jeunes, qui sont toujours à la pointe mais souvent à la pointe de la connerie, préfèrent photographier ce qui les intéresse le plus : eux-mêmes. Une manière de dire au monde "regarde, j’y étais", alors que le monde les croit sur parole et s’en fout. Le selfie, qui signifie se prendre en photo soi-même (avec un sourire de publicité) plutôt que demander à un des 500 touristes devant soi, est la nouvelle forme de souvenir, du même niveau esthétique que la boule à neige. Il se vend maintenant des perches télescopiques qui permettent de se prendre de plus loin, et ainsi rester seul quel que soit le paysage.

Le selfie stick permet de se prendre en photo comme si on avait un bras de l'inspecteur Gadget.

Le selfie stick, la vanité faite objet pour 15€

Décernons tout de même une mention spéciale aux Japonais, qui avaient la réputation de photographier tout et n’importe quoi. Maintenant qu’il est devenu normal de photographier son plat au resto, ses pieds sur la plage ou sa grossesse, leur prérogative était en danger. Ils ont donc réagi promptement puisque, sans vouloir tomber dans le cliché mais quand même, ce sont les seuls qu’on peut voir se promener avec une GoPro braquée sur eux pour filmer l’intégralité de leurs visites. Une sorte de télé-réalité personnelle, qui va aller encombrer un Internet qui n’en a pas besoin.

Bande de potes se promenant avec une Gopro et un caméscope qui court devant.

Touristes croyant que le monde a envie de les voir tourister.


Un pouce, y'a pas de quoi pavoiser !

Le tourisme est un luxe, qui n’est donc intéressant à pratiquer que si les autres ne le peuvent pas. Le but est de montrer à son entourage qu’on est allé là où ils ne sont pas allés. Alors oui, on déteste les autres d’avoir eu une idée aussi peu originale que nous pour passer leurs vacances, mais ça n’est pas une fatalité. Si vous trouvez que le Taj Mahal ou le Machu Picchu sont trop fréquentés, il y a des départs réguliers pour Bagdad. Si vous partez faire des selfies dans le palais de Saddam, là je ne vous considérerai plus comme un sale touriste.


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