Sortir en boite

29 avril 2014 by Guillaume

Boule à facettes

J’ai déjà expliqué qu’il ne fallait pas sortir de chez soi le weekend, surtout si on est amené à prendre le métro. Vous avez sagement noté ça dans vos petits carnets, c’est bien. Il semble déplaisant de s’entasser dans un espace exigu et bruyant, entouré d’inconnus transpirants et avinés. À moins de mettre un peu de musique crève-tympan et de faire payer l’entrée, là, c’est bingo. Une boite de nuit n’est jamais qu’un métro qui vous emmène nulle part – à part les urgences éventuellement mais j’aborderai le coma éthylique et le GHB plus tard. Essayons ensemble de comprendre le phénomène des boites de nuit et pourquoi vous refuserez d’y aller à l’avenir.

Il serait tentant de conclure hâtivement que les jeunes sont attirés par les boites pour la même raison que les papillons sont attirés par les ampoules : parce qu’ils sont cons. C’est loin d’être faux, mais c’est un raccourci un peu simple. Et ma rigueur scientifique me pousse à me demander s’ils vont en boite parce qu’ils sont cons ou s’ils sont devenus cons à force d’aller en boite. De récentes études montrent en effet que l’alcool, la drogue et David Guetta ont le même effet sur le cerveau qu’un accident de parachute.

D’ailleurs si je vise les jeunes – terme relativement subjectif – c’est que les vieux ne vont pas en boite. Là aussi, on peut se demander si c’est parce qu’on les refoule, parce qu’ils n’aiment plus ça, ou parce que les clients de boites n’ont pas l’occasion de devenir vieux. Même si on ne se tue pas sur le chemin du retour dans la voiture du pote qui n’a "presque pas bu", les parkings de boite sont les endroits où l’on se fait le plus abattre en France métropolitaine. Si c’est une boite en Corse, le taux de survie est de 19% ce qui est un frein à la fidélisation des clients.

Publicité pour une boite de nuit corse.
Le clubber est singulièrement dépourvu d’amour propre puisque l’autorisation d’entrer sera soumise au jugement d’un vigile qui tente vainement de se faire appeler "physio". Non, bonhomme, tu n’es qu’un piètre vigile, même pas assez bon pour être flic, et qui te retrouve à faire le tri entre ceux qui risquent de vomir et les autres. Et pourtant, c’est lui qui vous regarde de haut, ou plus souvent ne vous regarde pas du tout, et prétexte votre tenue vestimentaire pour refuser l’accès alors qu’il porte un costard que même Tati n’oserait pas commercialiser.

À l’intérieur, c’est comme Disneyland : cher, et plein de racailles. La queue, en revanche, n’est pas pour Crush’s Coaster ; elle est pour les toilettes, tout ça parce qu’une lycéenne y perd sa virginité à cause de deux mojitos. Mojitos que son ami aîné de dix ans a payé l’équivalent de deux heures de SMIC chacun. Parce qu’une boite, c’est cher. On ne sait pas exactement pourquoi c’est deux fois plus cher qu’un bar, vu que l’entrée et le vestiaire sont déjà payants, et qu’il y a trois fois plus de clients au mètre carré. Certes, il faut acheter vingt litres de liquide pour la machine à fumée, pour que personne ne s’aperçoive de la laideur de la déco (en journée c’est un abattoir clandestin) et des clients.

Scène de vomi dans Team America

Vous, quelques minutes avant votre expulsion du club.
© Paramount Pictures (Team America, 2004)


Tout cet argent, c’est peut-être parce qu’il faut rémunérer le nombreux personnel. Il y a les videurs susmentionnés, mais aussi le barman, qui a choisi de travailler dans le milieu de la nuit parce que ça lui permet de dissimuler son acné persistante et de choper des meufs qui ne le regarderaient pas en plein jour. Ou alors c’est une barmaid, qui a abandonné son CAP pute option camionnette pour vendre des vodka-orange à des porcs qui lorgnent sur ses seins en plastique en bandant dans leurs jeans slim.

Et puis il y a le DJ, qui n’a rien en commun avec un musicien, si ce n’est Beethoven et sa surdité. Son travail consistant à enchaîner des morceaux par des techniques depuis longtemps réalisables par un simple ordinateur, il comble la vacuité de sa vie professionnelle en s’enquérant régulièrement de l’état de santé de la salle. "Ça va ce soir ?". Un peu enrhumé, mais ça peut aller, merci. On remarquera que le ratio temps de parole du DJ/temps de musique est inversement proportionnel à la taille de la ville où il se produit.

2 vomis sur 5, pas si mal comme note.
Si les Plutoniens braquaient leurs télescopes un samedi soir sur un Macumba, je ne donnerais pas cher de nos peaux. Si pour se déstresser il faut s’enfermer dans un lieu singulièrement pauvre en issues de secours, si pour se dépenser il faut sauter sur place dans un sauna puant, si pour séduire il faut se rencontrer saoul dans la pénombre, alors peut-être que nous méritons que notre civilisation prenne fin, comme les Mayas, les Romains ou les Belges avant nous. Mais je donne tout de même 2/5 aux boites de nuit, parce que si mes voisins du 1er D les fréquentaient au lieu de les reproduire chez eux, l’ambiance serait plus détendue dans mon immeuble.


Ce que vous pensez de l’article : [rate]

Cliquez pour noter cet article
[Votes : 0 Moyenne : 0]

Aucun commentaire »

No comments yet.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *