Manger bio

14 septembre 2012 by Guillaume

Bouteille de lait de jument

Oui, je mange bio. On ne va pas argumenter sur le bien fondé : entre l’environnement, les agriculteurs et les consommateurs, il doit bien y avoir une bonne raison, et je fais ça pour vos enfants alors venez pas faire chier. Le vrai problème c’est comment manger bio quand on vit à Paris ? Si vous êtes smicard, lisez bien cet article, vous n’êtes pas directement concerné mais au moins vous verrez qu’il n’y a pas que vous qui avez des problèmes, bande de petits égoïstes ! Car du bio il y en a, il y en a même plein si on vit dans un quartier un peu bobo, mais justement, que choisir ? Vous avez de la chance, ce que j’en pense est là pour tester tout les moyens de se nourrir en se donnant bonne conscience.

Tout le monde connait les AMAP, mais regardez-moi bien : est-ce que j’ai une gueule à aller chercher un panier de 5kg de légumes à heure fixe une fois par semaine et à me taper du chou tout l’hiver ? L’idée est sympathique mais pas très adaptée au mode de vie sophistiqué des jeunes actifs urbains, et ça implique de plus de faire partie de la même association qu’une bande de hippies aux pieds sales.

Une femme nue + une plante = cosmétique bio

Dernière tendance dans les cosmétiques bio : se fouetter le visage avec des orties fraiches. Si je peux rendre service…

Une alternative plus souple : la ruche qui dit oui, une système de mise en relation entre le producteur et le consommateur. Sur le papier c’est simple : on se connecte au site, on trouve la "ruche" la plus proche de chez soi, on fait une commande, on raque, et on va chercher tout ça le jour prévu. C’est ce que j’ai fait mais en réalité c’est un peu plus compliqué.

Déjà, la distribution se fait le samedi entre 11h et 13h. Il faut donc être levé à l’aube pour y aller, et dans mon cas ça se passe au Comptoir Général : un lieu ultra-bobo dédié au social, solidaire, environnemental et à l’art africain. Vous ne voyez pas le rapport ? Moi non plus. Je passe avec dégout les nombreux vélos tous munis d’un siège enfant (qui ont cependant le mérite de réguler la surnatalité française) et j’entre dans le hall, m’attendant à ce qu’on vienne lire l’étiquette de mon jean pour savoir s’il est en coton bio équitable. Mais les gens sont trop occupés à faire la queue puisqu’il faut aller voir chaque producteur pour retirer ce qu’on lui a acheté. J’ai l’impression d’être au bon vieux temps de l’URSS mais c’est déjà payé, donc je poireaute derrière des mères devenues célibataires à force de se préoccuper plus de l’intérieur de leur corps que de l’extérieur.

Je suis peut-être un peu casse couilles, mais je trouve ça handicapant de faire mes courses sur un créneau de deux heures tous les quinze jours. Alors je me suis résolu à acheter bio dans un magasin spécialisé pas loin de chez moi : La Vie Claire. C’est comme un Franprix, mais tout bizarre : les patates sont couvertes de terre authentique (à 2€50 le kilo), les steaks sont en soja, les pâtes sont au petit épeautre, les portions sont plus petites, etc. Je m’interrogeais sur la logique du respect de l’environnement quand on vend des produits importés de loin pour la plupart quand je suis tombé sur le clou du spectacle :

Bouteille de lait de jument
Oui, vous avez bien vu : j’ai des mains divinement graciles, mais surtout ce magasin vend du lait de jument au rayon frais. L’hypothétique personne qui met du lait de jument dans ses flocons d’avoine bio au petit dèj me rétorquera sans doute que c’est l’agriculture productiviste qui nous pousse à consommer principalement du lait de vache, mais il faut être sacrément militant pour aller traire sa jument ou payer 10€ la bouteille d’un litre au rayon frais. Ceci dit, c’est un peu à l’image de tout le reste du magasin : kilo de sucre à 5€, d’emmental râpé à 18€… On se fout un peu de ma gueule, c’est du vol. J’aime pas trop les voleurs et les fils de pute.

4 pouces dis-donc c'est vraiment bien !

Manger bio à Paris c’est une petite aventure : on croise des mères et leur enfant unique au nom imprononçable, on a des caissiers en insertion professionnelles (c’est à dire souvent inapte au travail), et on dépense en une semaine son budget mensuel pour la bouffe. Je pense qu’on peut finalement se contenter de ce que propose Monop’ qui est déjà pas mal bobo, et pour le reste se gaver d’huile de palme hydrogénée et de sucre inverti puisque de toute façon Didier Super l’a chanté, et il a raison : on va tous crever.


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