Le vendredi soir dans le métro

7 mai 2012 by Guillaume

Chirac dans le métro

Quand on n’est pas soumis à un planning de travail fixe, on a parfois tendance à oublier quel jour on est, jusqu’à ce que la réalité vous le rappelle durement. Par exemple, après avoir glandé toute la journée à la maison, vous vous dites "tiens, j’ai envie de me faire du mal, si j’allais voir Avengers ?". Dans le métro vous sentez bien que quelque-chose cloche, que les gens sont sapés comme des étudiants en commerce, qu’ils portent des bouteilles dans des sacs Monoprix. En arrivant devant le cinéma, le doute n’est plus permis en voyant les employés en costards bleu-cheap jouer les chiens de berger au milieu d’interminables files d’attente : on est vendredi soir. Bien sûr, ça concerne surtout les Parisiens et les citadins en général, mais les autres devraient se méfier parce que ça pourrait bien les surprendre le jour où ils quitteront la ferme pour aller trouver une épouse à la ville.

Si c’est la première séance il est encore temps de rentrer pour lire ce livre de poche commencé en septembre dernier, mais s’il est 23h passée il va falloir prendre… le métro de l’angoisse! [musique stridente]
Les vendredis et samedis soir, à partir d’une certaine heure, le métro est soudainement peuplé de groupes bruyants et alcoolisés. Comme pour carnaval, les règles de la bienséance sont soudainement inversées : celui qui a l’attitude normale de manipuler son téléphone d’un air renfrogné est regardé de travers comme s’il avait souri ou dit bonjour un mardi matin, les gens se parlent entre eux et boivent du mauvais rosé au goulot sans être considérés comme des clochards… Le tableau peut paraître idyllique, mais il ne l’est que si on est soi-même très saoul et très jeune.

Oui, ces êtres agités sont souvent jeunes, parfois au point de boire de la Smirnoff Ice. Sans doute que leurs aînés ont soit eu des enfants et donc renoncé à toute sortie, soit pas eu d’enfant et à ce titre assez d’argent pour prendre un taxi et s’épargner la compagnie d’étudiants éméchés. Parce que contrairement à ce qu’ils croient, personne ne les envie. Ils crient, chantent et font des acrobaties, persuadés d’épater les quelques voyageurs restés dignes, mais ne se rendront compte que des années plus tard qu’ils se sont couverts de honte, de ridicule et de vin rouge. Déjà parce qu’être saoul avant minuit et après 15h c’est affreusement provincial, et ensuite parce que les gens bourrés n’amusent que les gens bourrés.

Au delà d’1h30, quand on passe au bus de nuit, on bascule complètement dans un autre monde. Est-ce à cause de l’heure ? Du moyen de transport ? Ça mériterait une étude sociologique. En tout cas finis les cris et l’enthousiasme : les gens sont seuls ou deux par deux et commencent à désaouler, les filles regardent avec tristesse dans le reflet de la vitre leur maquillage trop voyant qui a coulé et regrettent leur comportement dégradant pour la condition féminine, les garçons se contentent de baver en se disant que leur arrêt était peut-être il y a dix minutes, tout le monde regarde avec méfiance le mec qui tangue dangereusement en se demandant dans quelle direction il va vomir, et il y a même des travailleurs de nuit qui se joignent aux fêtards décatis.

Un pouce, y'a pas de quoi pavoiser !
Je suis obligé d’attribuer une mauvaise note pour faire évoluer les consciences, parce que tout le monde aurait à gagner qu’on ne sorte pas que le week-end. Ou bien que chaque catégorie sociale organise sa semaine de manière à sortir un soir différent et ne pas se croiser : laissons le vendredi aux étudiants qui l’ont déjà sali, donnons le samedi aux supporters de foot, le dimanche aux ouvriers, le lundi aux CSP+, le mardi aux enseignants, le mercredi aux retraités et je me garde le jeudi.

Cliquez pour noter cet article
[Votes : 0 Moyenne : 0]

3 Comments »

No comments yet.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *